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Recueil : "La Grande Gaîté" - 1929 (Edition Gallimard)
Je me souviendrai longtemps
D'une voix qui disait
Aimez-vous les profiteroles
Echo du monde les paroles
Dans la petite ville où je suis
Depuis deux jours il n'est question que d'un suicide
Un comptable autant dire un chansonnier
La belle carrière qu'il aurait eue à Paris
S'il l'avait voulu
Mais voilà
J'ai entendu dire à plusieurs reprises
Qu'Un Tel n'avait pas de chance
Ou qu'il s'y était mal pris
Bizarre son des c'est dommage
Quoi qu'il m'arrive
On appréciera diversement les écarts de ma dastinée
Cet univers de crocodiles
A des expressions très réussies
Pour qualifier tout ce qui touche à la déroute
Mais où il devient excellent
C'est quand les peines de coeur pleuvent
Sur l'un des plateaux de la balance
Et font la tare d'un indiscernable égarement
Réflexions impayables Hochements de tête
Rien n'y manque
Les Messieurs avec l'attirail
De la bonne réputation
Une femme une bague en or un pardessus
Sur la tête une chose ronde et noire
Un morveux placé à leur talon
Comme la molette des officiers de la cavalerie
Ont le droit au trottoir payé
Avec le fruit légitime des impôts de la commune
Les portes claquent les rideaux tombent
La rue est vide et propre le ciel noir
Ou bleu peu importe les fleurs sont dans les pots
C'est l'essentiel
Dans l'ordre il est dans l'ordre
Que les morts et les vivants se croisent sur les chaussées
Les premiers sur des chars les seconds sur leurs pieds
Jusqu'ici out va bien
Cette redingote ne
Fait pas un pli
Dans les familles
On parle quelquefois à l'heure
Où les enfants devraient être couchés
De certaines mauvaises femmes
Sur lesquelles on ne s'explique pas
D'un cousin qui nous en a fait voir de drôles
Enfin c'est un mauvais sujet on change
De conversation
Qu'est-ce qu'elles ont mais qu'est-ce
Qu'elles ont ces femmes
De plus que nous dit la mère
Et son regard enveloppe la maison
Sur les pavés comme des mouches
Certains jours d'hiver ou d'été
Des hommes irréprochables
Tombent seraient-ils saouls mais non
Morts ou condamnés d'avance
A la chaise à perpétuité
Quel ennui pour leurs proches
Je suis dit Monsieur Briand l'autre année
A la Tribune de la Chambre
Un homme qui a
Eu sa jeunesse
Encore on peut imaginer que cet homme politique
Périra sans scandale et sera l'objet
D'un enterrement de première classe
Où ne seront évoqués que ses succès d'orateur
Et les services rendus à la Chose Publique
Cependant le gosse obligatoire
Celui qui faisait bien sur les pas du papa
Ce petit suintement de pipi hors des langes
Ce chialement qui fait dire aux voisins à tour de rôle
Merde et le gentil enfant
Cette chiure ambulante qu'on fagote afin
De l'exhiber aux relations le dimanche
A pris doucement forme humaine et malhabile
Commence l'oeil vague à se branler
La tête pleine d'images interdites de lueurs
Sinaï qui montre dans la plaie des nuages
Une divinité singulière étrangement ressemblante
A une carte postale où l'on voyait
Entre les jambes de soie d'une fille nue
Malgré les mains jointes par fausse pudeur
Un peu de poil sombre au bas mystérieux du ventre
Je pense au magnésium du photographe
Spécialisé dans les académies
Ô sperme éclair
Dandinement des seins les gorges
Changent chantent sous les baisers
Collines caressées d'aurore
Fauves bécanes du plaisir
Or les mamelles les mamelles bondissantes
Président aux métamorphoses du mobilier
Dans la chambre où les yeux phosphore
Se sont séparés du visage
Aimé
Pour tourner autour de la femme de la femme qui sent
Ah sanglots mordus par la bouche
Ruisselante encore de foutre
Voilà qui n'était pas prévu
Au programme
Et pourtant rien sinon cette
Convulsion
Désormais ne comptera dans l'immense chaos
Plus pour ce cadavre ensorcelé qui n'a
Vait jamais demandé cette vie à personne
Je me souviens du lit maternel Tous les jours
Des domestiques l'époussetaient sans songer à la plaisanterie
Et ne voyaient pas malice à regarder l'enfant
Après l'alcôve
Je chante le plaisir stérile et ses mille façons
Celui qui trouve sa route à travers une chevelure
Celui qui comme un cheval
Saute par-dessus la haie des doigts
Celui qui meurt comme une mer sur le ventre
Celui qui s'égare n'importe où
Et celui comme un vin que l'on boit par secousses
Je chante le plaisir stérile
Soixante-neuf le beau scorpion marie
Les visages hagards aux sexe sans mesure
L'homme assiste au plaisir féminin qui obscurcit ses
regards tandis
Que le vertigineuse face que s'engouffre attire
L'homme très loin du con devenu ciel par un nouveau
langage
Qui n'a qu'un mot pour tout dire
Et pour tout exténuer
Regarde maintenant jeune homme
Le couple qui se désagrège
Le miroir est gris de buée
Ce sont les baisers qui obscurcissent l'univers
Une suave odeur séminale a couvert les deux corps
D'un drap plus lourd que les fleurs de magnolia
Elles-mêmes en tout semblables
Au cul lassé de ta maîtresse
Ne bougez plus vous deux que tout endort à présent
Vous suivez une idée étrange qui succède à la décharge
Comme la nuit étrangement succède au jour
*
Je chante ce qui s'enfuit avec le foutre et le désir
Je chante l'inappréciable de cette furie
Ce qui dépasse le but et ce qui ne l'atteint pas
Ce qui défie encore la psychologie moderne
L'incontrôlable
La perte où rien ne permet de dire
Ce qui est vraiment perdu Je chante
L'amour le seul amour sans calcul l'amour
Pur
Que ne récolte pas ce qu'il se refuse à semer
Je chante l"amour qui sait ce que c'est que d'aimer
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